Le succès de l’action paulienne intentée par un franchiseur contre un ancien franchisé

L’action paulienne permet à un créancier d’agir contre le débiteur qui, par un comportement frauduleux tente d’échapper à ses obligations1. Si le créancier parvient à présenter une demande recevable, il pourra bénéficier des effets de l’action paulienne et ignorer l’acte conclu au mépris de sa créance. Ce texte a été modifié par ordonnance du 10 février 2016 et codifié à l’article 1341-2 du code civil, clarifiant et prenant en compte l’évolution jurisprudentielle notamment à l’égard de la sanction liée à l’inopposabilité.

Cette action se distingue de l’action oblique de l’article 1166 ancien du Code civil qui permet à un créancier dont la créance est certaine, liquide et exigible, d’exercer au nom de son débiteur, les droits et actions de celui-ci, lorsque le débiteur, au préjudice du créancier, refuse de les exercer.

Le cabinet HAROCHE AVOCATS, en défense des intérêts d’un franchiseur, a engagé une action paulienne, afin de voir déclarer inopposable les actes frauduleux d’un ancien franchisé dans le but d’échapper à ses obligations à l’égard du franchiseur. Le franchiseur a obtenu gain de cause par Jugement du 1er décembre 2020, rendu par le Tribunal judiciaire de Lille 2.
En l’espèce, un contrat de franchise a été résilié par sentence arbitrale internationale du 12 avril 2013, devenue exécutoire par ordonnance du tribunal de grande instance de Paris le 5 juin 2013, confirmée en appel le 10 mars 2015, condamnait également le franchisé au paiement de redevances de franchise et de frais publicitaires.
Plusieurs procédures ont opposé le franchiseur et l’ancien franchisé, notamment devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Lille en vue de liquider l’astreinte également prononcée dans la sentence.
Le franchisé a bénéficié d’une première procédure de surendettement à Lille, puis réglé ses dettes personnelles en revendant son bien immobilier. A l’issue de cette vente, l’ancien franchisé a obtenu un reliquat lui donnant la capacité de couvrir les dettes professionnelles dues à son ancien franchiseur. Ce qu’il s’est abstenu de faire, choisissant de verser la totalité de ce reliquat à son fils.
Le franchiseur a invoqué devant le Tribunal judiciaire de Lille, le caractère manifestement frauduleux de ce paiement, ayant appauvri et rendu insolvable l’ancien franchisé.
Pour caractériser le caractère frauduleux, les juges du fond doivent rechercher si les opérations effectuées constituent des facteurs de diminution de la valeur du gage des créanciers et d’appauvrissement des débiteurs3 .
Il a été jugé que « la fraude paulienne n’implique pas nécessairement l’intention de nuire ; elle résulte de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant à titre onéreux ont du préjudice causé au créancier par l’acte litigieux 4». Janvier 2021

En principe, tout acte d’appauvrissement peut être considéré comme ayant été accompli en fraude du droit du créancier, dès lors qu’il en compromettrait le paiement. Il ressort de la pratique jurisprudentielle que la plupart de ces actes sont des actes à titre gratuits, à savoir des donations5 directes, indirectes ou déguisées6.

Par un arrêt de principe du 11 mai 1995, la Cour de Cassation a défini l’acte de détournement comme « tout acte de disposition volontaire accompli sur un élément du patrimoine du débiteur après la cessation des paiements en fraude des droits du créancier » dès lors privé de son gage7.
Concernant la preuve de la nature frauduleuse de l’acte, elle peut être établie par tous moyens puisque la fraude est un fait juridique. Cela passe notamment par le biais de présomptions telles que l’antériorité de la créance par rapport à l’acte attaqué 8 .
Par un arrêt du 12 décembre 2000, la Cour de Cassation a pu confirmer que « la fraude paulienne résulte de la seule connaissance que le débiteur a du préjudice causé à son créancier »9.
Plus encore, un acte à titre gratuit tel qu’une donation présume un acte frauduleux. Ainsi en a jugé la Cour de cassation le 13 octobre 2015. La Cour a retenu la fraude paulienne d’une mère ayant de « nombreuses dettes professionnelles depuis plusieurs années », et ne pouvant ignorer l’état de ses finances et de ses comptes, qui avait effectué une donation à ses deux filles, alors qu’elle « ne pouvait qu’être consciente de ce qu’elle n’était pas en mesure […] de faire face à ses dettes 10».
Dans notre affaire le Tribunal judiciaire de Lille, par jugement du 1er décembre 202011 a rappelé les deux conditions cumulatives au succès de l’action paulienne : « d’une part le demandeur doit détenir une créance certaine en son principe au moment de l’acte litigieux. D’autre part, le créancier doit démontrer l’existence d’un acte de son débiteur fait en fraude de ses droits dont l’effet est de créer ou d’aggraver son insolvabilité »
En l’espèce, le Tribunal a suivi le raisonnement du franchiseur : le virement de l’ancien franchisé à son fils a été analysé en un acte à titre gratuit ayant appauvri le premier et engendré son insolvabilité. Le franchiseur peut à présent ignorer le virement effectué et procéder à toutes mesures d’exécution lui permettant de se voir réattribuer ce qui lui revient de droit.

1 Article 1167 (ancien) et 1341-2 nouveau du Code civil
2 Tribunal judiciaire de Lille, 1er décembre 2020, n°19/05795 Subway International BV c/ F et C,
3 Cass. 3ème Civ., 20 décembre 2000, n° 98-19343.
4 Cass. 1ère Civ., 29 mai 1985 n°83-17.329
5 Cass. 1ère civ., 6 février 1996, n°92-19.895, Cass. 1ère civ., 26 septembre 2007, n°05-13.224
6 Cass. Com., 14 novembre 2000, n°97-12.708 ; Cass. 1ère Civ., 17 février 2004, n°01-15.484
7 Cass. Crim., 11 mai 1995 n°94-83515
8 Cass. Com. 23 oct. 2007, n°06-21.388
9 Cass. 1ère civ., 12 décembre 2000, n°98-19.341
10 Cass. Com., 13 octobre 2015, n°14-13.972
11 Tribunal judiciaire de Lille, Subway International BV c F et C, 1er décembre 2020, n°19/05795

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